"Quitte à se taper un ego trip, autant le faire sous forme de film vu que je ne sais pas rapper". Ça doit être l'éclair de génie qui a frappé le cerveau de Morsay, divinité franco-algérienne du Panthéon Truand 2 la Galère. Régnant sur les puces de Clignancourt à Paris tel Zeus sur le Mont Olympe, Morsay tient toutefois plus du Roi Midas que du Roi des Dieux. Tout ce qu'il touche se change en or comme ses CDs de (mauvais) rap, ses t-shirts (moches) et maintenent son film "La Vengeance". Ce dernier se serait vendu à plus de 30'000 copies en moins d'une semaine. On nage décidèment en pleine mythologie.
Mais toute bonne légende naît dans la douleur. Notre bon Midas 2 la Galère se retrouva fort contrit lorsque Marine le Pen et son Front National essayèrent d'empêcher la sortie de son film ; c'est du moins ce que disent certains oracles. La conspiration dont a été victime "La Vengeance" aura cependant eu le mérite de faire patienter et divertir les fidèles que nous sommes. Les justifications relatives au retard du film étaient si hilarantes que certains espèraient même qu'il soit retardé ad eternam afin de profiter continuellement des communiqués de Morsay. C'est qu'on l'aime bien notre Roi. Malheureusement, toute bonne chose à une fin.
Mais "La Vengeance" c'est quoi? Un fabuleux récit dans lequel on retrouve deux mortels, Morsay et Zehef, qui s'essayent à la maïeutique sur les bancs de leur Cité. Leur quotidien s'en trouve chamboulé le jour où la garde s'en prend gratuitement à eux. Nos pauvres citoyens se retrouvent injustement jetés en cellule pendant 6 longs mois. À sa sortie, Zehef, déterminé, décide de vendre des t-shirts très vilains. Notre héros Morsay, quant à lui, développe un sérieux complexe d'Oedipe lors de sa captivité et ressent l'irrésistible besoin de niquer tout ce qui ressemble de près ou de loin à des chattes de (grand-)mères. Sinon, entre deux insultes, Morsay donne de l'argent aux SDF, ratatine des néonazis, aide des femmes voilées dans le RER, vole des Pepito au Ed du coin, franchit des murs trop hauts pour la police, donne des coups de pied à des miss pour les faire descendre de sa voiture, vend du shit tout en disant que la cocaïne c'est mal... Un emploi du temps dont même John McClane ne pourrait s'acquitter. Vous avez dit confus?
Et oui, "La Vengeance" c'est un peu plein de choses sans réellement être quoique ce soit. Tous les clichés du rap et de la banlieue s'y bousculent en un joyeux méli-mélo où les lieux communs sont presentés comme parole d'Evangile. À ce titre, Cédric Vincent, le grand méchant, arbore fièrement sur son torse une croix gammée maladroitement gribouillée au stylo. Son statut de big boss/flic ripou ne suffit pas. Il est également le meneur d'une bande de skinheads dont les répliques se limitent a "bougnoul" et "zieg heil". C'est aussi un cocaïnomane qui fait des pogos dans son squat sur fond de hardcore. Waouh. Le flic est pas gentil, les racistes sont partout, le système c'est qu'un con... Des stéréotypes finalement plus bêtes que méchants. Un peu comme les personnes qui sont à l'origine de cette Vengeance.
D'une certaine manière, "La Vengeance" de, avec, par et pour Morsay nous ramène moins aux thèmes de l'immigration et du racisme que du manque de culture et d'exigeance malheureusement tant présent dans le milieu rap. Prenez un soupçon de la Haine, une dose de ma 6-T va crack-er, un zeste d'American History X, le tout à la sauce T2G, et on obtient cette improbable tambouille. Un film, ou plutôt une tentative, qui se cherche en brassant à l'aveuglette des références vues et revues et qui, de surcroît, a la prétention de révolutionner le genre. On n'invente jamais de rien, et Morsay le prouve bien. Nous passerons outre la réalisation catastrophique du film ou encore le jeu d'acteur très approximatif. C'est simple, on a l'impression de regarder ce fameux film de potes fait durant de mornes vacances d'été. Une dynamique qui, après tout, correspond bien à Morsay et ses sbires.
Mais le plus triste à dire est que le film rencontrera certainement son quota de fans. On ne peut demander à des philistins sans exigeance d'en avoir ; chacun ses standards après tout. Morsay réussira une fois de plus le pari de transformer n'importe quoi en or, comme le fit Midas. Il aura au passage bien participé à l'abrutissement d'une génération qui ignore déjà que la Grèce ne se limite pas qu'au grec-frites du coin de la rue.
aha la verité dumaa.
RépondreSupprimerLe film m a fait passé un bon moment. J avais l impression d etre un critique de Cannes devant Green Lantern.
Pour ceux qui ont pas le courage de se faire le film entier, il y a une version résumée en moins de 15 minutes :
RépondreSupprimerhttp://www.youtube.com/watch?v=yFjaxT9cEd4